Table Ronde :21/04 Marqueurs de discours et cohérence du discours : études de linguistique textuelle par Pr Mohammed JADIR.


L’AIB a le grand honneur et l’immense plaisir de recevoir Mohammed JADIR  professeur de linguistique et de traductologie à l’Université Hassan II de Casablanca et directeur du laboratoire LALITRA (Langues, Littératures et Traduction).  Dans le cadre d’une table ronde autour de son dernier livre : Marqueurs de discours et cohérence du discours : études de linguistique textuelle, il nous présentera son ouvrage et vous aurez également l’opportunité d’échanger avec lui au travers de vos questions et commentaires.

Une rencontre à ne pas rater pour les personnes férues de linguistique et grammaire fonctionnelle.  Ce sera le dimanche 21 avril 2024.  Info : 0483 39 17 77

AIB 23 rue Broyère 1070 Bruxelles.

Mohammed Jadir, dir. Langage(s) et Traduction. Paris, L’Harmattan, collection « Sociolinguistique », préface de Georges L. Bastin, 2021, 245 p. Mohammed Jbilou, doctorant Laboratoire Langues Littérature et Traduction (LALITRA) Université Hassan II de Casablanca FLSH de Mohammedia

Le langage est le moyen fondamental d’expression et de communication, la forme principale de nos productions symboliques. En plus, il joue un rôle central dans notre conception du monde qui nous entoure.

La traduction, quant à elle, permet de franchir les barrières linguistiques et de faciliter les échanges interculturels.

Les relations entre le langage et la traduction sont complexes et font intervenir divers aspects théoriques et pratiques.

Dans ce sens, l’ouvrage collectif Langage(s) et Traduction, publié en 2021, explore différentes perspectives de recherche. Il réunit un ensemble de contributions qui mettent en lumière les interactions entre les sciences du langage et la traductologie, et proposent un examen approfondi et multidimensionnel des défis, des enjeux et des dynamiques inhérents à la traduction dans différents contextes linguistiques, ainsi que d’autres recherches à souci littéraire ou didactique.

La marque du pluriel mise entre parenthèses dans le titre met en évidence la polyvalence du terme « langage » et la diversité des interprétations possibles. Il peut faire référence à plusieurs langues ou variations linguistiques ou bien il englobe divers aspects et phénomènes liés au langage. Cela suggère une approche inclusive et complémentaire qui reconnaît les multiples dimensions du langage et de la traduction et où chaque contribution individuelle apporte une perspective unique et une expertise spécifique à ces deux thématiques, créant ainsi un dialogue riche et nuancé sur les enjeux actuels et émergents du langage et de la traduction. « Cette cohérence n’aurait pas été sans que ce volume ne soit dirigé de main de maître », selon l’expression de John L. Mackenzie.

Le maître ici, Mohammed Jadir, est la preuve vivante de cette harmonie. Car il est à la fois linguiste et traductologue, titulaire d’une chaire de professeur de ces deux disciplines à l’Université Hassan II, Mohammedia, membre de plusieurs sociétés savantes : Functional Grammar Community, à Amsterdam, le Centre de Recherche Appliquée sur la Traduction et l’Interprétation, à Paris, responsable du laboratoire Langues, Littératures et Traduction (LALITRA).

Ses travaux s’inscrivent dans le cadre du fonctionnalisme et portent sur l’interface sémantico-pragmatique, la cohérence du discours, l’analyse traductologique et la communication. Il a écrit et dirigé bon nombre d’ouvrages incontournables en linguistique et en traductologie : La cohérence du discours en Grammaire Fonctionnelle (2005) ; Fonctionnalisme et description linguistique (2011) ; L’expérience de la traduction (en arabe : fî mumârasati t-taržama الترجمة ممارسة في) (2013) ; L’expérience de traduire (en collaboration avec Jean-René Ladmiral, dir., 2015) ; Linguistique et discours (2018), pour ne citer que ces titres. 2 Certaines des contributions que comprend ce volume ont été présentées lors de la manifestation scientifique internationale Langage(s) et traduction qui a eu lieu les 19 et 20 avril 2018 à l’Université Hassan II de Casablanca (Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Mohammedia, Maroc) et qui a été organisée par le laboratoire LALITRA.

Les autres contributions sont venues en réponse à un appel direct des chercheurs spécialistes en l’un ou l’autre des sujets abordés. Parmi les auteurs, on trouve bien naturellement de nombreux contributeurs de l’Université Hassan II de Casablanca, en plus de chercheurs d’Allemagne, d’Arabie saoudite, du Canada, de France, des États-Unis et d’Italie, d’où la variété des points de vue sur le(s) langage(s) et la traduction.

L’ouvrage est composé d’une préface de Georges L. Bastin, d’une longue introduction de Mohammed Jadir dans laquelle il traite la relation entre « Sciences du langage et traductologie » et présente son ouvrage collectif, et de trois parties renvoyant aux trois axes et centres d’intérêt de la structure de recherche LALITRA, ‘la traduction’, ‘la littérature et ‘la linguistique’.

Chaque partie comprend un bon nombre de chapitres axés sur des problématiques et développent des phénomènes d’ordre traductologique, littéraire, sociolinguistique, pragmatique, didactique, etc.

Dans le premier chapitre, « Traduire la littérature de jeunesse entre mythe et réalité », Camille Fort essaye de détruire le mythe selon lequel la littérature enfantine suscite une traduction spontanée, car l’écriture pour un enfant emploie une langue directe, simple et transparente. Contre l’invisibilité à laquelle il est condamné, le traducteur de la littérature de jeunesse affronte de grands écueils de traduction et éprouve d’énormes dilemmes pour faire ses choix traductifs. Dans la plupart des cas, il ne peut pas trancher sans avoir l’accord préalable de l’éditeur, et sans devoir obéir à certaines normes (littéraires, didactiques, psychologiques, culturelles et esthétiques) pour donner une traduction adéquate et recevable. Une autre difficulté qu’affrontent les traducteurs : traduire un auteur comme Céline. C’est une affaire qui n’est pas moins épineuse, vu l’originalité de son style, caractérisé par une « oralité mythique », un brassage linguistique et une idiosyncrasie argotique qui le rend intraduisible, comme il ressort de l’analyse de Valeria Ferretti dans le deuxième chapitre.

La langue célinienne « face à ses traducteurs italiens » présente de grandes difficultés, dont le moindre est le pronom démonstratif neutre (ça) auquel on ne trouve jamais d’équivalent exact.

Les trois derniers chapitres de cette première partie s’inscrivent dans des cadres théoriques variés allant d’approches fonctionnalistes (e.g. Dik 1997a,b, Hengeveld & Mackenzie 2008), cognitivistes (e.g. Lakoff & Johnson 1985) et traductologiques (e.g. la théorie interprétative), à l’orientalisme (e.g. Said 1978), aux études descriptives de la traduction (e.g. Toury 1995) et à diverses théories du traduire. Parmi les questions de recherche traductologiques les plus délicates, figure la traduction de la métaphore. Les contraintes que pose cette tâche sont indéniables. Ce sont à la fois des contraintes linguistiques liées à la polysémie, aux combinaisons des signifiés, et des contraintes extra-linguistiques, en relation avec la connotation, le vouloir dire et l’implicite culturel. Un travail aussi complexe nécessite, comme en témoigne le chapitre 3 (de Mohammed Jadir & Adil Labrihmi), le recours à une approche pluridisciplinaire et des compléments cognitifs en rapport avec les référents culturels véhiculés, pour faire le transfert de cet essaim d’éléments de la source vers la cible (e.g. Ricœur 1975, Jadir & Ladmiral 2015).

La conjugaison de la théorie fonctionnelle et des travaux cognitivistes 3 (Lakoff et Johnson 1985, Fauconnier 1984 et 2002, entre autres) pourrait servir, dans une large mesure, à décrire et à expliquer adéquatement le processus de traduction à travers l’examen du cheminement pris par les traducteurs afin de permettre le transfert de la métaphore. La traduction, en permettant la migration des textes, contribue au partage et à la promotion des œuvres littéraires, et rapproche le proche du lointain.

Dans cette perspective, le quatrième chapitre (de Selwa Tawfik) pose la question de la réception de la littérature arabe traduite en Occident. Constat : le lecteur occidental est de plus en plus attiré par la littérature arabe, en particulier, écrite par des femmes et traitant des sujets de la condition féminine dans le monde arabo-musulman.

Une analyse du paratexte du flux de traduction révèle que la traduction ne fait que renforcer les préjugés et l’image stéréotypée que se fait l’Occident de la femme arabe. La seconde partie, réservée aux études littéraires, comprend trois chapitres allant du général au particulier et portant sur un thème central commun, « la femme ».

Les trois auteurs objet d’étude critique sont des femmes traitant dans leurs écritures la condition féminine qui semble plus ou moins identique, en dépit de la variation des contextes. Si les trois chapitres de cette deuxième partie partagent le dessein de rendre compte de la condition de la femme dans les textes étudiés, ils diffèrent à bien des égards.

Le premier chapitre (de Nouzha A. Belghiti), qui exploite toute l’œuvre (e.g. romans, recueil de nouvelles, journal intime, notes, cahiers, carnets, lettres échangées, etc.) d’une figure emblématique de la littérature anglaise, soit Katherine Mansfield, adopte une approche pluridisciplinaire relevant de la théorie littéraire féministe (e.g. Toril Moi 1985), la théorie de l’inconscient de Jacques Lacan, et des travaux des féministes françaises comme Julia Kristeva, Luce Irigaray, Hélène Cixous et bien d’autres. Les deux autres chapitres (de Jamila Akarid et Leila Benhassou & Amal Elboury, respectivement) portent, chacun, sur un seul roman (de la littérature maghrébine d’expression française), suivant une approche de nature thématique. La troisième et dernière partie compte cinq chapitres portant sur des aspects linguistiques, didactiques et traductologiques.

Les deux premiers chapitres portent, respectivement, sur l’idiomaticité et la situation sociolinguistique au Maroc. Dans son traitement fonctionnel des expressions idiomatiques, Mohammed Jadir met l’accent, dans un premier temps, sur un cas de grammaticalisation, celui de l’idiomatisation des expressions métaphoriques, puis, dans un deuxième temps, sur son traitement dans le cadre de la Grammaire Fonctionnelle. Said Fathi se propose d’aborder, dans sa contribution, la situation actuelle du multilinguisme au Maroc et ce qui est stipulé dans la Constitution marocaine. Parallèlement, la notion de ‘multilinguisme’ est le concept-clé du troisième chapitre (de Georges L. Bastin).

C’est un chapitre charnière entre les deux précédents de cette troisième partie et les deux autres qui suivent. Il se clôt par un appel à une conciliation de la didactique des langues et de la didactique de la traduction. Dans le même ordre d’idées, les deux derniers chapitres semblent répondre, dans la mesure du possible, audit appel.

Le quatrième chapitre (de Abdulhamid Al-Featta) est consacré à une critique du système éducatif dans les universités et aux fondements qui la sous-tendent, tandis que le cinquième et dernier chapitre (de Doris Fetscher) de cette partie porte sur une problématique ayant trait à l’enseignement des langues et l’enseignement de la communication interculturelle, qui se trouvent rarement interconnectés de façon consciente et sur la base d’une didactique élaborée. L’étude propose une réflexion sur la possibilité de passer par la pragmatique 4 interculturelle pour développer chez l’apprenant une sensibilité aux différences culturelles dans la communication.

Les contributions réunies dans ce collectif, qui sont aussi riches que variées, se rapportant à de nombreux domaines des sciences humaines et sociales (la philosophie, la psychologie, la psychanalyse, la théorie de l’inconscient, la linguistique, la littérature, la théorie littéraire féministe, la traductologie, la didactique, la sociologie, etc.), et traduisent l’intersection et la complémentarité entre les études du langage, de la traduction et de la littérature, et font explorer les liens étroits entre la structure linguistique, les nuances de la traduction et les enjeux littéraires.

L’ouvrage propose également une plongée analytique dans les connexions intrinsèques entre ces trois domaines de recherche, et met en lumière la manière dont ils s’influencent mutuellement, formant ainsi un terrain fertile pour la compréhension approfondie de la communication humaine et de la création littéraire.

En plus, ce travail offre des pistes de réflexion pour les professionnels de la traduction, les linguistes, les chercheurs et tous ceux qui sont intéressés par l’étude du langage et de la communication interculturelle.